Entrevue avec Marie-Pierre Arthur - Un formidable deuxième disque avec son nom dessus
Tout de suite, dans les trente secondes, on sait. Le riff de guitare qui marche comme une fille décidée. La mélodie familière illico. La voix dans nos faces. Bon sang! Elle en veut, la Marie-Pierre. De Fil de soie à Si tu savais à All Right à Pour une fois, les quatre premières chansons ne donnent pas le choix et les suivantes pas tellement non plus. T'accrochent par le fond de culotte, allez hop. Intros gagnantes, puissants refrains, modulations intenses, c'est de la première impression qui s'imprime profond. Cet album est rentre-dedans, et il va falloir se lever tôt en 2012 pour le déloger de l'avant-plan.
Par Sylvain Cormier, Le Devoir, le 3 février 2012 Tout de suite, dans les trente secondes, on sait. Le riff de guitare qui marche comme une fille décidée. La mélodie familière illico. La voix dans nos faces. Bon sang! Elle en veut, la Marie-Pierre. De Fil de soie à Si tu savais à All Right à Pour une fois, les quatre premières chansons ne donnent pas le choix et les suivantes pas tellement non plus. T'accrochent par le fond de culotte, allez hop. Intros gagnantes, puissants refrains, modulations intenses, c'est de la première impression qui s'imprime profond. Cet album est rentre-dedans, et il va falloir se lever tôt en 2012 pour le déloger de l'avant-plan.
Dis donc, Marie-Pierre Arthur, le feu a pris où? Elle pouffe d'un rire en feu d'artifice. «C'est vrai que ça rentre dans le vif du sujet. Le pied sur le gaz! Je pense que je sentais moins le besoin d'arriver tranquillement...» On se rappellera que le premier disque, l'éponyme de 2009, était de la sorte qui s'insinue, l'album de la musicienne, la bassiste d'Ariane Moffatt qui s'essayait à la chanson. Un disque qui semblait demander: est-ce que je peux? Elle pouvait: nous avons été pas mal de milliers à l'embrasser. L'attitude demeurait, cependant: en spectacle, la musicienne reprenait le dessus, la chanteuse disparaissait plus souvent qu'autrement au sein des siens. «Front» ou «roadie», telle était la question si bien résumée par Daniel Boucher. «Je reste à la base une fille de band. Mais à force de faire des shows, je me suis mise à avoir du plaisir à être plus "front", et l'album a l'air de la fille que je suis devenue.»
Tout est plus affirmé, nommé, signé. Dans les remerciements, c'est tout juste si elle ne nous signale pas les disques à écouter pour comprendre dans quel bain de musique elle a baigné. Elle aligne des noms: «George Harrison, John Lennon, Billy Preston, Queen, Phil Spector, The Pretenders.» Forcément, à la réécoute, ça s'entend: la foule qui fait les choeurs dans All Right, c'est un peu la même que dans Power to the People, du John & Yoko de 1972. L'intro à cent guitares acoustiques dans Pour une fois renvoie très évidemment à My Sweet Lord. Pour Emmène-moi, on est en plein Motown avec de l'écho Phil Spector. C'est très voulu, exprès et demi. Et c'est parfait comme ça. Ceux qui identifient les sources frétillent de plaisir, les autres frétillent sans savoir pourquoi. Au final, tout le monde frétille.
«Pourquoi faire semblant qu'on l'a pas vue passer, telle ou telle référence? L'originalité, ça n'existe pas. On pige dans ce qu'on veut, on se fait un mélange qui nous ressemble, c'est ça le fun de faire de la musique. L'idée, c'est d'y aller franchement. Ça adonne que je suis dans un trip post-Beatles, que j'avais envie d'être dans le Concert for Bangla Desh avec Billy Preston qui joue That's the Way God Planned It, et je me suis pas gênée, et Frank [François Lafontaine, le claviériste de Karkwa, principal comparse dans l'aventure] m'a encouragée là-dedans. Tant qu'à y aller, allons-y fort.» Pas besoin de dire ça longtemps aux Robbie Kuster, Olivier Langevin, Pierre Girard et compagnie. «Tout le monde se crinquait.»
Le bonheur étant, bien sûr, que c'est encore et toujours du Marie-Pierre Arthur. Mieux, sa manière triomphe. Les textes écrits à quatre mains avec Gaële aux alentours de l'amour, les mélodies un peu languissantes composées avec, sans ou par François Lafontaine, tout ça lui appartient, autant l'intimité folk de Chanson pour Dan (évoquant feu Dan Gaudreau, frère de musique à Petite-Vallée) que le «wall of sound» de Spector partout ailleurs. Faut écouter l'orgie d'écho dans À partir de maintenant, qui serait une chanson country si ce n'était du traitement psych exacerbé: «Mon premier jet, ça aurait pu être du Renée Martel. Et puis on s'est mis à beurrer d'écho, et c'était le fun, on en a remis. On s'est donné le droit à l'excès. Let's go!»
N'empêche que sur la pochette (qui rappelle exprès celle de Pauline Julien chante Raymond Lévesque, avec le menton en l'air), il y a son nom qui lui cache le visage. «C'est moi, ça. Je veux que vous m'écoutiez, mais je veux pas tant que ça d'attention.» Peine perdue, Marie-Pierre: ce deuxième disque sera celui de la grande visibilité.
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