FRANCOFOLIES : MARIE-PIERRE ARTHUR et DOMLEBO
Pendant des années, Marie-Pierre Arthur a fait partie de différents groupes, où elle était choriste ou bassiste, ou les deux. Domlebo, quant à lui, a été le batteur des Cowboys Fringants durant de nombreuses années. Aujourd’hui, tous deux font carrière en solo. Le Journal a réuni les deux artistes, qui se produiront aux FrancoFolies, pour une conversation qui est allée dans tous les sens.
Qu’allez-vous présenter aux Francos ?
Domlebo : Ce sera mon projet Chercher noise, qui est à la base un film, dans lequel j’ai interprété des chansons dans des endroits différents, avec des amis musiciens. J’ai invité les 37 musiciens qui ont participé au film et il y en a 27 qui peuvent venir au spectacle. Il y aura beaucoup d’instruments. Ça va être super beau.
Marie-Pierre : C’est mon tout frais spectacle, puisque ça ne fait pas longtemps que mon album existe. Je vais avoir un peu plus de musiciens, des choristes. C’est une version de luxe que je n’aurai pas souvent la chance de me payer. J’aimais ça être choriste et là, ça va chanter derrière moi.
Domlebo : Moi aussi je vais avoir beaucoup de gens pour me mettre en valeur ! (rires)
Qu’est-ce qu’un tel festival représente pour un artiste québécois ?
Marie-Pierre : Ça fait plaisir de faire partie de ça.
À chaque fois, t’espères être dans cette gang-là, sinon tu te sens toute seule. J’ai fait les FrancoFolies dans toutes les salles, toutes les versions, toutes les scènes possibles. C’est une belle ambiance.
Domlebo : Comme Cowboys Fringants, on rêvait de ça, en 1999-2000. Ça voulait dire : « Vous avez de l’allure comme artistes francophones, on veut que vous soyez sur scène. »
Quelle est l’importance de la chanson française ?
Marie-Pierre : Je suis allée aux FrancoFolies de La Rochelle l’an passé et il n’y avait que deux groupes francophones, je crois. J’étais la francophone de la soirée. Je suis profondément amoureuse du français. En plus, je ne parle que le français, donc je n’ai vraiment pas intérêt à ce que ça disparaisse. Sinon, je vais vraiment faire pitié ! Mais j’essaie que ma réflexion ne soit pas dirigée par la peur. Parce que je trouve que ça empêche une belle relation avec des artistes incroyables qui sont anglophones et qu’on aime aussi. J’ai envie qu’ils fassent partie de notre décor. J’ai chanté avec les Barr Brothers, Pat Watson et Buck 65, et ce sont des rencontres qui ont été vraiment enrichissantes pour moi. Je trouve ça plate qu’en Gaspésie ils ne savent pas qui sont les Barr Brothers, alors qu’on les connaît partout dans le monde.
Avec l’Internet, la radio est-elle encore importante pour la diffusion de votre musique ?
Domlebo : Pour vivre de ça et continuer d’écrire des chansons à temps plein, plutôt que de juste faire ça comme hobby, c’est important de passer par les grands médias : « As-tu un single qui tourne ? OK, je t’engage pour un spectacle. »
Marie-Pierre : Tu parles comme un gars qui fait son propre booking, hein ? (Domlebo acquiesce.) Parce que moi je ne vis pas ça. Ha ha ! Je sais juste où je m’en vais jouer. Ça me fait penser à la chanson de Gillian Welch, Everything is Free. Elle dit : « Le problème, c’est que vous savez qu’on va le faire pareil. » C’est viscéral. Mais ne nous faites pas ça. On va être malheureux.
Que pensez-vous des conditions de tournée au Québec ?
Domlebo : Moi, j’aimerais ça faire de la tournée à cinq. Mais ça veut dire deux véhicules. Je ne peux pas et je le fais en trio. L’autre disque, j’étais en duo, donc une chambre d’hôtel. On embarquait des pouceux sur la route.
Marie-Pierre : Quand tu joues à deux ou trois, ça prend des « players de course ». Sinon, c’est déprimant raide. Ça prend vraiment de bons joueurs.
Domlebo : La pire histoire que j’ai entendue, c’est Dan Bigras qui faisait un show pour le ROSEQ. Il s’est fait dire : « On te veut en solo parce qu’on n’a pas d’argent pour la musique. » Ils n’ont donc pas pris ses musiciens. C’est ça qui se passe au Québec. Pas tout le temps, heureusement. Moi je fais le réseau des cafés équitables.
Marie-Pierre : Moi, je ne suis pas assez connue pour les grandes salles, mais un peu assez connue pour être bookée dans ces salles-là. Donc elles ne sont pas remplies ! Je préfère de loin les cabarets et les cafés où c’est rempli et où tout le monde chante. Sauf que moi, j’aime ça jouer à cinq et bien fort…
Dom, as-tu l’intention de faire un album avec le projet de Chercher noise ?
Domlebo : Il me reste encore 20 boîtes de l’album Grand naïf chez moi. Je ne veux pas être pris avec un paquet d’autres boîtes. Pour Grand naïf, j’ai vendu environ 700 albums à 10 $. Ça a payé les 7 000 $ d’impression. Je suis even pour le gars qui les a imprimés. Mais je n’ai pas du tout payé mon équipement, encore moins le temps que j’ai mis là-dessus avec le mastering et le mixage.
Marie-Pierre : T’es juste en avance sur ton temps, en fait. On va tous finir de même !
Que pensez-vous de la crise sociale que l’on vit présentement au Québec ?
Marie-Pierre : Je ne trouve pas ça clair pour personne. Personne n’a le même message. J’aimerais vraiment beaucoup ça qu’on trouve une façon de se parler, tout le monde. Qu’est-ce qu’on fait dans la rue ? On leur demande quoi ? Les étudiants sont une petite partie de ce qu’on a envie de raconter. Personnellement, je sortirais beaucoup dans la rue pour les infirmières. Je trouve que ce sont les gens qui font la job la plus importante. Elles n’ont pas des conditions idéales et elles ne peuvent pas sortir dans la rue parce qu’il y a des gens qui meurent si elles le font.
Domlebo : J’ai écrit une chanson en novembre dernier qui s’appelle Désolé pour le délai. Ça parle de se mobiliser, d’être dans la rue. Je trouve qu’au Québec on est un peu 10 ans en retard sur le fait de passer à l’action. On fait un petit changement à la fois. Je trouve aussi qu’on s’excuse beaucoup. J’ai aussi écrit une autre chanson, en 2008, qui dit : « Aucune loi, aucun dictateur, aucun gouvernement, il n’y a pas un roi qui pourra nous régir, qui saura nous contenir. » Sans dire que c’était prophétique, on sentait qu’on était dû pour qu’il se passe de quoi.
• Marie-Pierre Arthur sera sur la scène du Club Soda le 13 juin.
• Domlebo présentera Chercher noise le 10 juin, à l’Astral.
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