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Marie-Pierre Arthur au National - Bien parmi les siens
À mi-chemin de la première montréalaise de Marie-Pierre Arthur, hier soir au National, la jeune femme a annoncé que la chanson qui arrivait était de Fleetwood Mac. Fort bien. Laquelle? Je pensais à la belle des belles de Stevie Nicks, Landslide. Ou alors à du Christine McVie, Say You Love Me, voire Warm Ways. Mais non: le picking de guitare a vendu la mèche. C'était Never Going Back Again. Une chanson de guitare de Lindsay Buckingham. Chanson de gars. Et c'est en effet le claviériste qui chantait la partie de Buckingham, et Louis-Jean Cormier de Karkwa qui s'en donnait à coeur joie avec les deux guitaristes du groupe de Marie-Pierre Arthur. Laquelle, telle Stevie ou Christine, assurait l'harmonie.
C'était parlant. Ça disait à quel point Marie-Pierre Arthur, dans son propre spectacle, n'a pas encore chevillé au corps le réflexe de se mettre en valeur. L'instinct de la musicienne prédomine, quitte à disparaître dans l'ensemble, et parfois carrément jouer de la basse dans l'ombre, comme au temps pas lointain du tout où elle était la bassiste d'Ariane Moffatt.
Pourtant lumineuse hier, tellement heureuse d'être là qu'elle en irradiait, souriante tout le temps, pourtant au centre de la scène, elle était bien plus au service de la musique que de ses chansons, chantant moins devant le band que l'accompagnant, se lovant souvent au pedal steel moitié country moitié pinkfloydien de l'acolyte à sa droite. Et dans ces arrangements très souplement modulés, elle semblait attendre l'occasion de s'éclater dans les séquences instrumentales. Formidables séquences au demeurant: de quoi tripper sérieusement.
Elle qui vient d'une famille de musiciens, elle qui a pour famille de musique la bande à Karkwa (dont son amoureux, le claviériste François Lafontaine), donnait l'impression de ne pas encore croire à cette place qui est pourtant complètement sienne: la première. En mai, alors qu'elle officiait seule, guitare-voix, en lever de rideau de Mara Tremblay, elle semblait désemparée, perdue dans trop d'espace. Épreuve de la solitude, avais-je déduit. Confirmation hier: cette fille et ses chansons n'existent intensément que lorsqu'un groupe de musiciens les intègrent et les portent.
Ce n'était pas toujours vrai: dans les morceaux plus doux, le folk cosmique Elle, le country-blues Tout ça pour ça (en duo avec Louis-Jean Cormier), elle émergeait, moins dépendante, plus sûre d'elle. L'Ariane Moffatt des débuts me revenait en tête, jouant le plus souvent pour jouer, mais occupant ça et là le devant de sa propre scène. L'apprivoisant. Comme pour Ariane, ce n'est qu'une question de temps avant que Marie-Pierre Arthur ne se révèle complètement à elle-même. On n'est pas pressés: on l'aime déjà.
Article de Sylvain Cormier, Le Devoir, le 10 décembre 2009
Marie-Pierre Arthur au National - Bien parmi les siens
À mi-chemin de la première montréalaise de Marie-Pierre Arthur, hier soir au National, la jeune femme a annoncé que la chanson qui arrivait était de Fleetwood Mac. Fort bien. Laquelle? Je pensais à la belle des belles de Stevie Nicks, Landslide. Ou alors à du Christine McVie, Say You Love Me, voire Warm Ways. Mais non: le picking de guitare a vendu la mèche. C'était Never Going Back Again. Une chanson de guitare de Lindsay Buckingham. Chanson de gars. Et c'est en effet le claviériste qui chantait la partie de Buckingham, et Louis-Jean Cormier de Karkwa qui s'en donnait à coeur joie avec les deux guitaristes du groupe de Marie-Pierre Arthur. Laquelle, telle Stevie ou Christine, assurait l'harmonie.
C'était parlant. Ça disait à quel point Marie-Pierre Arthur, dans son propre spectacle, n'a pas encore chevillé au corps le réflexe de se mettre en valeur. L'instinct de la musicienne prédomine, quitte à disparaître dans l'ensemble, et parfois carrément jouer de la basse dans l'ombre, comme au temps pas lointain du tout où elle était la bassiste d'Ariane Moffatt.
Pourtant lumineuse hier, tellement heureuse d'être là qu'elle en irradiait, souriante tout le temps, pourtant au centre de la scène, elle était bien plus au service de la musique que de ses chansons, chantant moins devant le band que l'accompagnant, se lovant souvent au pedal steel moitié country moitié pinkfloydien de l'acolyte à sa droite. Et dans ces arrangements très souplement modulés, elle semblait attendre l'occasion de s'éclater dans les séquences instrumentales. Formidables séquences au demeurant: de quoi tripper sérieusement.
Elle qui vient d'une famille de musiciens, elle qui a pour famille de musique la bande à Karkwa (dont son amoureux, le claviériste François Lafontaine), donnait l'impression de ne pas encore croire à cette place qui est pourtant complètement sienne: la première. En mai, alors qu'elle officiait seule, guitare-voix, en lever de rideau de Mara Tremblay, elle semblait désemparée, perdue dans trop d'espace. Épreuve de la solitude, avais-je déduit. Confirmation hier: cette fille et ses chansons n'existent intensément que lorsqu'un groupe de musiciens les intègrent et les portent.
Ce n'était pas toujours vrai: dans les morceaux plus doux, le folk cosmique Elle, le country-blues Tout ça pour ça (en duo avec Louis-Jean Cormier), elle émergeait, moins dépendante, plus sûre d'elle. L'Ariane Moffatt des débuts me revenait en tête, jouant le plus souvent pour jouer, mais occupant ça et là le devant de sa propre scène. L'apprivoisant. Comme pour Ariane, ce n'est qu'une question de temps avant que Marie-Pierre Arthur ne se révèle complètement à elle-même. On n'est pas pressés: on l'aime déjà.
Article de Sylvain Cormier, Le Devoir, le 10 décembre 2009
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